Le syndrome de Diogène, qui n’est pas une maladie en soi, peut être associé à d’autres pathologies, notamment neurodégénératives ou psychiatriques. Parmi celles-ci, la maladie d’Alzheimer est-elle un facteur favorisant ou aggravant du syndrome de Diogène ? Existe-t-il un lien de causalité entre les deux affections ? Cet article tente d’apporter des éléments de réponse à ces questions, en s’appuyant sur des données scientifiques, des statistiques et des témoignages.
Petit rappel du syndrome de Diogène
Le syndrome de Diogène tire son nom du philosophe grec Diogène de S’innove, qui vivait au IVe siècle avant J.-C. dans un tonneau, méprisant les conventions sociales et les biens matériels. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1975 par le Dr Clark, un gériatre anglais, pour décrire des personnes âgées vivant dans des conditions d’insalubrité extrême, entourées d’objets hétéroclites et refusant toute aide extérieure.
Le syndrome de Diogène n’est pas reconnu comme une entité nosologique distincte par les classifications internationales des maladies mentales (CIM-10 et DSM-5). Il s’agit plutôt d’un ensemble de symptômes qui peuvent avoir des causes multiples et variées. Le critère principal du syndrome est une personne qui aurait besoin de tout, mais ne demande rien. Les critères secondaires sont une perturbation des relations au corps (trop propre ou trop négligé), aux objets (absents ou accumulés en excès) et aux autres (philanthropie ou misanthropie).
Le syndrome de Diogène touche principalement les personnes âgées, mais il peut aussi concerner des personnes plus jeunes. Il n’existe pas de données épidémiologiques précises sur sa prévalence. Cependant, il est estimé qu’il concerne environ 0,5 % des personnes de plus de 65 ans. Il touche davantage les femmes que les hommes, et plus souvent les personnes seules que les couples.
Quel est le lien entre le syndrome de Diogène et la maladie d’Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de démence chez les personnes âgées. Elle se manifeste par une détérioration progressive des fonctions cognitives (mémoire, langage, raisonnement…) et des capacités fonctionnelles (autonomie dans les activités quotidiennes). Elle entraîne également des troubles du comportement et de l’humeur, tels que l’apathie, l’agitation, l’agressivité ou la dépression.
Le syndrome de Diogène peut être secondaire à la maladie d’Alzheimer, c’est-à-dire qu’il apparaît au cours de l’évolution de la démence. Dans ce cas, il peut être expliqué par la perte des repères spatio-temporels, la désorientation, l’amnésie ou le manque d’initiative qui caractérisent la maladie. La personne atteinte d’Alzheimer peut alors négliger son hygiène et son environnement, accumuler des objets sans valeur ou sans utilité, ou se replier sur elle-même.
Selon une étude menée en 2011 par le Dr Monfort et ses collaborateurs auprès de 54 patients présentant un syndrome de diogène à Paris, environ 20 % d’entre eux souffraient d’une démence de type Alzheimer. Il s’agit donc d’une cause fréquente, mais non exclusive du syndrome de diogène. D’autres formes de démence, comme la démence fronto-temporale, peuvent également être associées au syndrome de diogène.
Le syndrome de diogène peut aussi être primaire, c’est-à-dire qu’il n’est pas lié à une maladie identifiable. Il s’agit alors d’un mode de vie choisi ou subi, qui résulte souvent d’un traumatisme vécu dans l’enfance ou à l’âge adulte. La personne ayant un syndrome de diogène primaire peut avoir une personnalité particulière, marquée par l’indépendance, l’originalité, la méfiance ou la paranoïa. Elle peut aussi présenter des traits obsessionnels, phobiques ou schizophréniques.
Dans ce cas, le lien entre le syndrome de diogène et la maladie d’Alzheimer est moins évident. Il est possible que le syndrome de diogène soit un facteur de risque ou un signe précurseur de la maladie d’Alzheimer, en raison du stress chronique, de l’isolement social ou de la mauvaise alimentation qu’il implique. Il est aussi possible que le syndrome de diogène soit un facteur protecteur ou un mécanisme de défense contre la maladie d’Alzheimer, en raison de la stimulation cognitive, de la créativité ou de la résilience qu’il suppose. Ces hypothèses restent à confirmer par des études plus approfondies.
Quel est le traitement ?
La prise en charge d’une personne ayant un syndrome de Diogène et Alzheimer doit être plurielle et adaptée à chaque situation. Elle doit impliquer à la fois des professionnels de santé (médecins, infirmiers, psychologues…), des travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs…) et des aidants familiaux ou bénévoles. Elle doit viser à améliorer la qualité de vie et le bien-être de la personne concernée, tout en respectant son choix et sa dignité.
La première étape consiste à évaluer l’état de santé physique et mental de la personne, ainsi que son environnement et ses besoins. Il faut notamment rechercher une éventuelle maladie sous-jacente, comme la maladie d’Alzheimer, qui nécessite un traitement médicamenteux et un suivi régulier. Il faut aussi dépister et traiter les complications possibles du syndrome de diogène, comme les infections, les escarres, les carences ou les intoxications.
La deuxième étape consiste à proposer une aide adaptée à la personne, en tenant compte de son consentement et de sa capacité à décider. Il peut s’agir d’une aide à domicile, d’une mise sous tutelle ou curatelle, d’une orientation vers une structure spécialisée (EHPAD, unité Alzheimer…), ou d’une hospitalisation si nécessaire. Il faut aussi favoriser le maintien du lien social avec la famille, les amis ou les voisins, et soutenir les aidants qui peuvent être dépassés ou culpabilisés par la situation.
La troisième étape consiste à accompagner la personne dans son projet de vie, en respectant ses goûts, ses valeurs et ses aspirations. Il faut éviter de juger ou de stigmatiser la personne ayant un syndrome de Diogène et Alzheimer, mais plutôt chercher à comprendre le sens qu’elle donne à son comportement. Il faut aussi valoriser ses capacités et ses ressources, et lui proposer des activités stimulantes et gratifiantes. Il faut enfin lui offrir un espace d’écoute et d’expression, où elle puisse se sentir reconnue et respectée.
Le syndrome de Diogène et Alzheimer est une association complexe et mal connue, qui pose des défis importants aux professionnels et aux aidants. Il nécessite une prise en charge globale et personnalisée, qui allie compétence médicale, sensibilité sociale et humanité. Il invite aussi à repenser notre rapport au corps, aux objets et aux autres, et à reconnaître la diversité des modes de vie dans notre société.