Objet d’un biopic de Martin Scorsese qui l’a fait (re)découvrir du grand public en 2008 dans lequel il est incarné par Leonardo DiCaprio, Howard Hughes, était un milliardaire et golden boy aux nombreuses casquettes. L’histoire de sa vie, en plus d’être fascinante, est l’exemple parfait démontrant que le syndrome de Diogène concerne des personnes issues de tous les milieux et classes sociales. De plus, ses traumatismes et son profil psychologique illustrent les mécanismes en œuvre qui peuvent conduire à l’apparition de cette affliction. C’est pourquoi nous vous proposons de retracer son parcours, et les multiples cheminements, qui ont fini par déclencher l’irruption d’un syndrome de Diogène sévère à la fin de sa vie. Voici donc l’histoire du premier syndrome de Diogène célèbre.
Un syndrome diogène célèbre aux multiples facettes
Avant de finir totalement reclus et isolé au crépuscule de sa vie, négligeant son hygiène personnelle et même son alimentation jusqu’à devenir famélique, en somme un syndrome de Diogène poussé à son état extrême, Howard R. Hughes Jr aura vécu plusieurs vies. Il connaitra le succès et les réussites, fruits de son héritage et de ses capacités intellectuelles et créatrices remarquables, mais aussi de nombreuses tragédies et traumatismes. Une existence contrastée donc, ou les sommets côtoieront les abysses, et ce, dès sa plus tendre enfance.
Son père, Howard R Hughes Sr, est un riche entrepreneur ayant bâti son sa fortune en fondant une entreprise fabriquant des outils de forage pétrolier. Sa mère, Allene Stone Gano, est celle qui se charge de son éducation et de son parcours scolaire, entretenant avec lui une relation de possessivité telle que le psychiatre Raymond Fowler ira jusqu’à la qualifier “d’inceste émotionnel”. De surcroit, cette dernière est sujette à de nombreuses phobies, notamment celle des germes et des microbes, qu’elle transmettra au jeune Howard.
Très jeune, il fait montre d’une grande précocité intellectuelle, que l’on qualifierait sans doute aujourd’hui d’enfant à haut potentiel intellectuel (HPI).
Il s’illustre singulièrement dans son enfance par une curiosité sans limites et une soif d’apprendre qui le pousse à vouloir comprendre le fonctionnement de tout ce qui l’entoure. Il développe ainsi très tôt un intérêt pour les machines et la mécanique, qui deviendra une véritable passion tout au long de sa vie. Ses facultés hors normes seront vite démontrées par les faits, le jeune prodige allant jusqu’à inventer un modèle réduit de moteur à combustion interne à l’âge de 12 ans.
Un génie touche à tout, marqué par de nombreux drames qui le consumeront progressivement
À l’âge de 18 ans, il décroche son diplôme d’ingénieur en aéronautique à l’université de Californie, alors qu’il est déjà engagé dans la gestion de l’entreprise familiale. C’est d’ailleurs grâce à ses compétences et à son audace qu’il fera décoller la compagnie Hughes Aircraft, spécialisée dans l’industrie aéronautique et spatiale, à partir des années 1930.
À l’âge de 18 ans, il perd sa mère, qui se suicide en ingérant une solution de chlorure de mercure après avoir appris que son mari la trompait. Ce traumatisme affectera profondément le jeune Howard, qui développera une méfiance envers les femmes et une tendance à l’isolement. En 1925, à l’âge de 19 ans, il hérite de la fortune de son père, mort deux ans plus tôt. La perte d’êtres chers et les traumatismes associés durant le jeune âge sont souvent facteurs de névroses et de pathologies mentales diverses. Notamment le syndrome de Diogène, dont il est fréquent que les personnes qui en sont atteintes aient subi ce type de traumatisme.
Il participera également à la production de films hollywoodiens, investissant ainsi dans l’industrie cinématographique, ce qui lui vaudra une reconnaissance de la part du monde du cinéma.
Les traumatismes de guerre et l’isolement croissant
L’histoire de Howard Hughes prend un autre tournant dramatique lorsqu’il s’engage dans l’armée américaine en 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette expérience le marquera profondément, après avoir assisté à un accident d’avion qui a coûté la vie à deux pilotes d’essai. Les blessures subies lors de cet événement ont contribué à ses phobies croissantes, qui ont finalement entraîné un isolement social de plus en plus important. En 1947, il est impliqué dans un accident d’avion qui le laisse gravement blessé et dépendant aux antidouleurs. Il développe alors une dépendance aux médicaments qui le suivra tout au long de sa vie. Par ailleurs, sa vie privée est également très mouvementée. Il a de nombreuses liaisons avec des actrices et des mannequins, mais également avec des femmes plus âgées, comme la célèbre actrice Katharine Hepburn. Il se mariera deux fois, mais aucun de ses mariages ne durera plus de quelques années.
À partir des années 1950, la santé de Howard Hughes se détériore progressivement. C’est à cette période que les signes du syndrome de Diogène se sont manifestés. Il a commencé à négliger sa santé personnelle, cessant de se laver et de se coiffer. Il accumulait des détritus dans sa maison et refusait de les jeter. Il évitait également de rencontrer des gens et limitait ses interactions sociales, préférant communiquer avec le monde extérieur par le biais de ses assistants et de ses collaborateurs.
Il deviendra ensuite de plus en plus reclus, évitant les contacts avec le monde extérieur. Il développe des phobies de plus en plus envahissantes, notamment celle des microbes et des germes, qui le pousse à se laver fréquemment les mains et à porter des mouchoirs en permanence. Il commencera lors de cette période à négliger son apparence et son hygiène personnelle, ce qui le conduit à développer une barbe hirsute et des ongles très longs.
Comment Howard Hughes, le premier syndrome de Diogène célèbre et connu de tous, a-t-il fini sa vie ?
À la fin des années 1960, Hughes est devenu un véritable reclus. Il vit cloîtré dans sa suite d’hôtel, refusant de voir qui que ce soit, même ses employés. Il ne se lave plus, ne se brosse plus les dents et ne se coupe plus les ongles. Il ira jusqu’à stocker des quantités impressionnantes de boîtes vides de Kleenex et de bouteilles d’urine, et se nourrirra principalement de lait et de biscuits.
En 1970, un groupe d’investisseurs tente de prendre le contrôle de son empire, ce qui pousse Hughes à quitter Las Vegas pour s’installer à l’hôtel Beverly Hills. Il y restera cloîtré pendant plusieurs années, jusqu’à sa mort en 1976. Lorsque son corps est découvert, il pèse à peine 40 kg et est méconnaissable en raison de sa barbe et de ses cheveux longs et emmêlés.
Au cours des dernières années de sa vie, Howard Hughes est devenu un véritable ermite, vivant reclus dans des suites d’hôtels, avec un groupe restreint de personnes à son service. Il a développé une peur extrême des infections et des germes, jusqu’à porter des mouchoirs en permanence pour éviter tout contact direct avec les poignées de porte ou les boutons d’ascenseur. Il a également développé une addiction aux médicaments, ce qui a, hélas, entraîné une détérioration physique et mentale. Le milliardaire est finalement décédé à l’âge de 70 ans, en 1976, dans des circonstances mystérieuses.
Il est probable qu’il ait souffert d’une insuffisance rénale chronique. Mais les rumeurs de l’époque laissent entendre que sa mort était liée à une surdose de médicaments ou encore à une exposition excessive aux rayonnements ionisants, compte tenu de son obsession pour les appareils électroniques et sa passion pour les avions.
Le syndrome de Diogène, célèbre ou pas, ce trouble méconnu peut toucher tout le monde
L’histoire de Howard Hughes est un exemple dramatique des mécanismes qui peuvent conduire à l’apparition de ce syndrome. De surcroit, c’est le premier syndrome de diogène célèbre, ce qui a aussi permis de faire connaître ce trouble. Comme nous l’avons abordé plus en détail dans cet article, cette maladie, méconnue du grand public, peut toucher des personnes de tous âges, sexes et origines sociales. La vie de Howard Hughes est l’exemple parfait des mécanismes en jeu dans l’apparition du syndrome de Diogène. Les traumatismes de son enfance, notamment la possessivité malsaine de sa mère et les phobies qu’elle lui a transmises, ont joué un rôle majeur dans l’évolution de sa pathologie. Sa carrière tumultueuse et sa vie personnelle complexe ont également contribué à la progression de sa maladie.
Cependant, malgré les défis et les obstacles qu’il a rencontrés, Hughes a laissé un héritage important dans l’histoire de l’aviation, du cinéma et de l’entreprise. Son travail a ouvert la voie à de nombreuses avancées dans ces domaines, et il a été l’un des pionniers de l’aviation moderne.
En fin de compte,son parcours est un exemple de la complexité de l’être humain et des différentes voies que peut prendre une vie. Sa réussite et sa fortune n’ont pas été suffisantes pour le protéger des traumatismes et des pathologies mentales qui ont affecté sa vie.
Il est grand temps pour la société et les pouvoirs publics dans leur ensemble de reconnaître que le syndrome de Diogène, comme les autres afflictions mentales, ne sont pas l’apanage d’une certaine classe sociale ou d’un certain milieu. Il peut toucher n’importe qui, quel que soit son statut ou sa réussite. En tant que société, nous devons être conscients de l’importance de la santé mentale et de la manière dont les traumatismes de l’enfance peuvent affecter notre vie à l’âge adulte. Un long chemin reste encore à parcourir avant de parvenir à briser les stigmates qui entourent les maladies mentales et à fournir des ressources et un soutien pour les personnes qui en ont besoin.